Poutine, l’itinéraire secret

Vladimir Fédorovoski

260 pages

Le Livre de Poche, 2015, Les Éditions du Rocher, 2014

Fin de lecture 16 juin 2021.

Diplomate, historien et écrivain russe puis français, Vladimir Fédorovski a également collaboré en tant que consultant pour la presse radiophonique notamment. J’ai pu apprécier à plusieurs reprises ses commentaires sur la situation géopolitique russe, ce qui m’a amenée à choisir cet ouvrage offert au cours de l’achat d’autres livres il y a quelques années.

Certes, il date un peu, puisque les derniers événements relatés correspondent aux Jeux Olympiques de Sotchi (2014), mais la connaissance fine de son sujet permet à l’auteur de replacer l’avènement de Poutine dans le contexte des bouleversements politiques de l’ex-URSS.

Nicolas II, Lénine, Staline, Krouchtchev, Brejnev, Gorbatchev, Eltsine, Medvedev… Autant de noms qui ont marqué la fédération puis les nouvelles donnes à la chute du mur de Berlin. Avec le rôle prépondérant du KGB puis de sa version remaniée, le FSB. Poutine est un héritier des politiques menées par eux, qu’il les poursuive à sa façon ou les ait dénoncées.

Sous-titrée « l’itinéraire secret », cette biographie aurait aussi pu s’intituler « l’homme aux mille visages », tant le personnage décrit est multiple. L’auteur évoque ainsi les années humbles puis fastes, entre le jeune homme volontaire et la réalisation effective de ses ambitions, entre pauvreté et richesse incommensurable. Du KGB à la primature en passant par le conseil au maire de Saint-Petersbourg, le président élu s’est appuyé sur une fortune amassée par des hommes de paille ou des sociétés-écran. Les adversaires politiques sont maintenus à l’écart voire pire.

C’est un homme complexe, qualifié ainsi par Mickhaïl Rudy : « Vrai disciple de Marx, mais également de Sun Zi et de Machiavel, il applique les principes de matérialisme dialectique à la perfection : il est tout et son contraire. Cadre du FSB (ex-KGB) et fier de l’être, mais fervent croyant et attaché au passé orthodoxe de la Russie ; fan d’Elton John, mais promulgateur des lois antihomosexuels. »

J’ai apprécié de passer certains événements au filtre de la vision d’un Russe qui a participé à l’exercice du pouvoir. L’auteur replace l’avènement du locataire du Kremlin dans la situation géopolitique de l’époque. Cela m’a notamment permis de regarder certaines situations évoquées par la presse avec le recul d’aujourd’hui, certaines relations internationales actuelles découlant encore des décisions prises alors par Poutine.

Une biographie mais surtout une revue historique et politique très documentée de la Russie de 1900 à 2014.

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Impressions et lignes claires

Edouard Philippe et Gilles Boyer

257 pages

Éditions Jean-Claude Lattès, avril 2021

Fin de lecture 1er mai 2021 (ça ne s’invente pas !).

En préambule, je confirme, s’il en était besoin, l’apolitisme de ce blog et la neutralité idéologique de la chronique qui suit.

L’occasion m’a été donnée, par hasard, de bénéficier d’un exemplaire numérique du livre écrit par Edouard Philippe et Gilles Boyer. J’avais vu une interview télévisée de l’ancien Premier ministre et m’étais dit que cela pourrait m’intéresser, car j’aime la petite histoire de l’Histoire… tout en me méfiant a priori des biais politiques et de l’écriture que je risquais d’y trouver, que j’imaginais trop pontifiante.

Que nenni ! J’ai tout de suite été embarquée dans cet ouvrage, dont l’écriture est à la fois riche des sujets traités et du vocabulaire employé, et simple dans son expression. Et j’ai été passionnée par le récit sans fard de l’exercice du pouvoir, en passant, telle Alice, De l’autre côté du miroir…

Edouard Philippe et Gilles Boyer, en n’utilisant toujours que le « nous » ou l’impersonnel « il », content d’abord leur rencontre scellée en 2002 autour d’Alain Juppé, puis leur amitié qui ne se dément jamais, malgré les remous et les alliances différentes. Ils évoquent leur « passion » pour le droit, celui qui permet l’usage des institutions même lorsque tout va mal, et leur sérieux penchant pour des références historiques de locataires de sièges présidentiels ou ministériels, français ou étrangers (Churchill ayant leur prédilection). En bref, ils démontrent que l’exercice du pouvoir peut faire peur, voire terrifier, qu’il ne s’invente pas et que les ministres dont on se souvient sont ceux qui ont réussi à « incarner » pleinement la thématique qu’ils défendaient.

« Voilà bien quelque chose que toutes ces années et toutes ces expériences nous ont appris : gouverner ne s’apprend que lorsqu’on comprend que gouverner est un apprentissage permanent. »

« La peur, c’est ce qu’on ressent avant la tempête. Ou après. Lorsque vous êtes dedans, vos mains sont sur la barre, vous ne pensez qu’à faire au mieux. »

Dans cet ouvrage très documenté – et qui donne donc envie à la fois de lire et de regarder quelques séries bien pensées – les deux comparses évoquent la difficulté de l’exercice du pouvoir, notamment sous la pression des médias et des réseaux sociaux, quand une bonne administration devrait pouvoir prendre son temps.

« Les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux, qui ont en commun d’avoir donné la parole à ceux qui ne l’avaient pas, ce qui aurait dû constituer un progrès important, ont charrié leur lot d’excès, enrichissant parfois le débat public, l’appauvrissant souvent. »

C’est presque un cours de droit public qui est proposé au lecteur, mais toujours accompagné d’une réflexion sur la mise en œuvre dans la réalité des règles écrites, ou induites : la notion de l’exercice du pouvoir à quatre mains, au-delà du gouvernement tout entier, s’est avérée une découverte pour moi. La nécessaire relation de confiance (non écrite, elle !) entre le Président de la République et son Premier ministre est mise en exergue, avec un retour sur les périodes de cohabitations qui, si elles ont imposé la « collaboration » de personnalités aux opinions contradictoires, n’ont cependant pas constitué un danger pour la démocratie.

« A Matignon, on peint impressionniste ; à l’Elysée, on a besoin de lignes claires. »

Au travers de chapitres sur des thématiques spécifiques approchées depuis sa nomination à Matignon jusqu’à sa démission, Edouard Philippe (car c’est manifestement plus lui que son alter ego qui se raconte !) évoque ainsi des personnages, des grands dossiers, des anecdotes et des questions de société avec un recul bienvenu, dépourvu de l’agitation pressante des médias : constitutionnalité, transition énergétique, économie, pandémie, …

Peu importe qu’on adhère ou non aux solutions politiques, le propos est sain car humble et dépourvu de malice : il s’agit de constats, et on est amené à plusieurs reprises à noter que les propositions formulées hors le cadre de l’exercice du pouvoir semblent bien plus difficiles à défendre lorsqu’on y accède ! Et savoir reconnaître qu’on ne sait pas, une vertu qui mériterait de se propager…

« Aucun élément de langage n’est aussi efficace que la vérité. »

J’ai aussi apprécié le dernier chapitre aux entrées multiples, où le Premier ministre décrit en un paragraphe des lieux, des moments, des rencontres, des femmes et des hommes qui l’ont marqué.

Voilà l’intérêt de ce livre : tout en contant une page de leur histoire, et donc de la nôtre, l’ancien Premier ministre et son meilleur ami passent en revue les arcanes du pouvoir, les petites ou grandes indélicatesses, les dessous de certaines décisions, en égratignant certains de leurs collègues ou de leurs opposants, toujours avec élégance.

« C’est une règle de la politique qu’il ne faut jamais oublier : ce que l’on dit est toujours moins important que ce qui est entendu. »

C’est à la fois sérieux et plein d’humour, documenté et d’une grande richesse littéraire. Ce fut un vrai plaisir de lire ce document !

Octobre

Søren Sveistrup

Traduction de Caroline Berg

732 pages

Le Livre de Poche, 2020, Albin Michel, 2019

Fin de lecture 23 juillet 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de juillet.

Quinzième livre lu dans le cadre du jury.

Octobre. Le mois des marrons, qui tombent et jonchent le sol pour le plus grand bonheur des enfants.

Car au Danemark, ils servent à confectionner des petits bonshommes, voire des ribambelles de bonshommes.

Mais l’un de ces bonshommes, portant l’empreinte de Kristine Hartung, la fille de la ministre des Affaires sociales disparue depuis un an tout juste, est retrouvée sur une scène de crime atroce. Cela intrigue, voire inquiète la police. Surtout lorsque cela se répète. Quel lien faire entre cette petite fille considérée comme décédée et ces femmes amputées de leurs extrémités ?

Deux policiers sont ainsi obligés de collaborer dans cette enquête à tiroirs, alors que tout semble les séparer : Naia Thulin, l’experte en informatique qui souhaite une évolution de carrière, et Marc Hess, désavoué par ses supérieurs d’Interpol, qui ne rêve que de repartir.

Entre femmes mutilées, familles disloquées et fond politique tendu, on retrouve avec un grand plaisir le talent de Søren Veistrup, scénariste de The Killing. Il dit aimer faire évoluer ses personnages dans la vie habituelle danoise, sous la pluie, avec les aléas des enquêtes, ces découragements et ces petits coups du destin qui les font aussi avancer : c’est réussi et j’y ai pris goût !

Dans cette histoire à rebondissements, l’auteur tient en haleine le lecteur, qui explore les personnalités tant des enquêteurs, auquel il s’attache très vite, que des potentiels suspects. Avec la ténacité de Hess et Thulin, les ambitions personnelles s’effacent au profit de l’intelligence partagée pour résoudre l’enquête et ainsi dévoiler la noirceur de l’humanité, sur fond d’automne pluvieux.

C’est finement écrit, violent, suscitant des émotions qui oscillent entre compassion et dégoût au détour des pages que l’on dévore sans s’arrêter.

Un énorme coup de cœur !

P. S. : j’avais écouté ce livre en janvier, et ne pensais que le feuilleter pour me le remémorer dans le cadre du Prix des lecteurs… je l’ai relu de la première à la dernière ligne, savourant l’histoire à l’identique !

Citations

« C’est le premier mardi d’octobre. L’automne a tardé à venir, mais aujourd’hui, un ciel bas de nuages anthracite recouvre la ville et c’est sous une pluie torrentielle que Naia Thulin traverse la rue au milieu des voitures, après s’être garée. »

« Hess a eu une semaine difficile. Samedi dernier, Freimann, son patron allemand chez Europol, l’a démis de ses fonctions avec effet immédiat. La sanction n’était ni inattendue, ni injustifiée, mais elle était excessive, tout du moins aux yeux de Hess. »

Sous haute protection

David Baldacci

Traduction Francis K.

527 pages

Pocket, 1999

Fin de lecture 26/09/2019 (je rattrape mon retard de publication…)

Dans cet opus, qui ne fait pas partie d’une série, l’auteur raconte l’histoire d’une jeune femme, Faith, qui va trouver le FBI pour dénoncer les agissements de son patron et mentor Buchanan. Ce dernier est en effet un lobbyiste qui use de son influence auprès d’hommes politiques haut placés dans les instances de décision américaines, jusqu’à utiliser des méthodes de corruption très subtiles.

Mais Faith, placée sous protection de l’agent Brooke Reynolds, échappe à un assassinat qui provoque cependant la mort d’un autre agent du FBI, au moment de rejoindre une planque isolée. Faith ne doit sa survie qu’à l’intervention inopinée d’un détective privé, Lee Adams, avec lequel elle va devoir s’enfuir.

Mais ce Lee est-il commandité par le FBI ou la CIA pour en apprendre plus sur les secrets détenus par Faith ? Peut-elle vraiment lui faire confiance ?

De son côté, l’agent Reynolds doit absolument retrouver Faith, au risque de voir sa carrière prendre une vilaine tournure. Elle jongle entre son travail aux horaires élastiques, sa vie de maman de deux jeunes enfants en plein divorce et ses doutes sur la probité de ses collègues.

Guerre des services (CIA et FBI), complots, compromissions, chantages en tous genres, agents déterminés à conserver des pouvoirs perdus à la fin de la guerre froide, une jeune femme en perdition et un chevalier servant tout prêt à la sauver : combien j’aime me plonger dans les livres de David Baldacci ! Il nous retourne en permanence, ce qu’on croyait acquis ne l’est pas toujours. La seule difficulté d’appréhension dans cet ouvrage réside en la complexité des montages financiers opérés par Buchanan, quand on n’a pas suivi de cursus high level en lobbyisme !

Cette atmosphère bien particulière d’espionnage dont il entoure ses personnages attachants me ravit et me permet de passer de très bons moments d’évasion.

Citation

« Et ils avaient tous une seule et même idée derrière la tête : le pouvoir. Ils voulaient que vous le leur apportiez sur un plateau, avec des courbettes pour qu’ils puissent vous bouffer la laine sur le dos en vous jurant leur amitié. »