Presque génial

Benedict Wells

414 pages

Slatkine et Cie, 2020

Fin de lecture 28 septembre 2020.

Je remercie les Éditions Slatkine et Cie pour m’avoir adressé ce livre de Benedict Wells.

J’ai eu l’occasion de découvrir l’auteur en septembre 2018 et son œuvre ensuite, j’aime beaucoup l’ambiance de ses romans et son écriture.

Dans Presque génial , le lecteur suit les aventures de trois jeunes gens au cours d’un road-trip.

Francis Dean vit dans un « trailer-park », parc de caravanes avec sa mère qui est atteinte de graves troubles psychologiques. Celle-ci est fréquemment internée en hôpital psychiatrique, ce qui affecte profondément le jeune homme de dix-sept ans.

Francis a un beau-père et un demi-frère, qu’il voit très peu. Au cours d’une crise qui affecte plus gravement sa mère, il découvre que sa naissance est entourée d’un mystère : Francis serait ainsi le produit d’une expérience ayant pour but d’engendrer des génies.

Francis y voit l’opportunité de donner un autre sens à sa vie. Il doit absolument découvrir ses origines. Pour cela, il doit traverser les États-Unis d’est en ouest, du New-Jersey à la Californie, en passant par Las Vegas.

Pour l’accompagner, il s’entoure de Grover, son copain de toujours, un geek falot, tête de turc des camarades de classe, mais dont les parents sont fortunés, et Anne-May, une jeune fille complexe, soignée à l’hôpital psychiatrique et dont il est tombé amoureux.

La narration est accessible, le livre se lit très bien et très vite, car on souhaite connaître le dénouement. Mais au-delà de cette apparente facilité d’accès, Benedict Wells met en scène trois personnages très attachants, aux personnalités très différentes, à l’aube de la vie et des choix qui vont la diriger. Il offre au lecteur la possibilité de s’interroger sur ce qui fait réellement un être humain : son origine ? Le contexte dans lequel il évolue ? Ses choix spécifiques ? Le hasard total ?

Une réflexion sur les injonctions prédictives, l’effet Pygmalion et ses conséquences positives ou au contraire l’effet Golem et ses résultats délétères…

Et s’agissant de l’écriture, autant on se promène tranquillement avec les jeunes gens au gré de leur voyage à travers les États-Unis, autant la toute dernière partie est haletante…

Encore un coup de cœur pour un ouvrage de Benedict Wells !

Citations

« Francis cherchait quelle confidence il pourrait lui faire en retour. Lui dire qu’il aimait vraiment beaucoup les films parce que les acteurs savaient toujours dire ce qu’il fallait quand il fallait, qu’ils exprimaient précisément ce qu’ils ressentaient, alors que lui en était incapable ? »

« Tu sais, on dit toujours qu’à force de travail et d’application on arrive à tout, mais on oublie que la chance et la poisse jouent un rôle encore plus grand. Quand on regarde l’histoire d’une vie, un écart minuscule suffit parfois à casser l’équilibre, à tout faire basculer d’un côté ou de l’autre. Et pour finir, c’est le hasard qui décide, beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. »

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Terres fauves

Patrice Gain

255 pages

Éditions Pocket, 2020, Éditions Le mot et le reste, 2018

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de mai.

Neuvième livre lu dans le cadre du jury.

Fin de lecture 2 mai 2020

Le gouverneur de l’Etat de New York veut écrire ses mémoires. Son éditeur fait appel à David McCae, qui va les rédiger pour lui. Et comme le gouverneur compte parmi ses amis le brillant et renommé alpiniste Dick Carlson, l’éditeur mande à l’écrivain d’aller interviewer ledit alpiniste en Alaska. Mais, arrivé sur place, David surprend par hasard des informations qui peuvent remettre en cause l’écriture du livre, et se retrouve bientôt abandonné, seul au milieu d’une étendue hostile, proie des éléments et des animaux, voire des humains.

David raconte donc son histoire. Homme de la ville, il narre sans concession ses affres à l’idée de se confronter au froid, à l’avion, à la solitude. Obligé d’y faire face en raison des circonstances, l’homme se renouvelle et modifie en profondeur sa personnalité, laissant de côté la lâcheté qu’il désapprouve et se découvrant finalement un certain courage pour affronter ses peurs.

C’est une chasse à l’homme qui est décrite dans ce livre, mais également un road-trip. Patrice Gaine se donne ainsi l’occasion, par le truchement de son personnage, de décrire avec précision les paysages qu’il parcourt, l’écriture est riche, imposant à plusieurs reprises un détour par les pages du dictionnaire…

Un livre qui débute très lentement et pourrait rebuter, dont la tension se fait de plus en plus forte, qui m’a finalement beaucoup plu !

Citations

« À aucun moment il n’a sollicité mon assentiment. Dick Carlson dirigeait tout ce qui tournait autour de lui comme des astéroïdes tombés dans les filets du champ gravitationnel d’un astre. Je n’ai pas du tout aimé ça. » p50

« Mon bras et mon épaule à vif raclaient le sol rocheux. J’étais à bout de force. La douleur me submergeait par vagues. Les flammes montaient haut vers la cime des arbres. Je sentais la résine chaude des épicéas noirs qui offraient leurs branches odorantes comme de l’encens pour ce qui s’annonçait être mes funérailles. Le vent les caressait et faisait danser les volutes de fumée qui s’en échappaient tel un thuriféraire. Sous la voûte de la cathédrale étoilée, je me suis senti oublié des hommes et dans l’effroi du moment, tout comme Lennie, j’ai confié mon âme à Dieu. » p116