Du plomb dans la tête

Olivier Bocquet

405 pages

Pocket, 2022, Michel Lafon, 2020

Fin de lecture le 5 mars 2023

Je remercie les Éditions Pocket pour m’avoir permis de découvrir ce livre, et son auteur pour sa sympathique dédicace.

Le lvre débute par deux descriptions terribles. Deux narrateurs exposent ce qui leur arrive, l’un en pensée, l’autre dans un journal intime. Ils ne se connaissent pas. Ils vont néanmoins se croiser rapidement.

Lui, Thomas, devient aveugle parce qu’on lui a fondu du plomb dans les yeux. Sa vie entière va changer. D’autonome, il va devoir réapprendre les gestes du quotidien tout en s’inquiétant de trouver celui qui l’a estropié.

Elle, Rachel, est lieutenante stagiaire au commissariat de Fontainebleau. Sous la houlette du très maladroit, indécis et formaliste lieutenant Toulouze, la jeune femme pragmatique va enquêter sur l’affaire.

« Toulouze se sent con. (…) Lui qui est toujours tellement soucieux de la procédure, pour une fois qu’il en dévie, il commet une bourde. (…) Il a toujours été nul en idées nouvelles. »

Ce duo mal assorti et peu convaincant initialement va néanmoins se surpasser pour élucider cette sordide affaire.

Il serait délicat d’en dire plus. Cela risquerait de gâcher le suspense.

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage. L’histoire est bien ficelée, dense, entre passé et présent, narration, récit, articles de journaux et procès-verbaux d’audition. L’humour vient heureusement contrebalancer certains aspects un peu trash. Sous-jacente, une interrogation sur notre société hyper connectée et surveillée (pardon, protégée !), où les enjeux électoraux pourraient primer sur le réel bien-être des habitants. Le duo d’enquêteurs est attendrissant et fonctionne bien mieux que leurs collègues et leur hiérarchie ne le pensent : la fonceuse Rachel et le stressé Toulouze se complètent parfaitement.

Et j’espère les retrouver dans un prochain opus !

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Voyage thérapeutique

Armand Cabasson

468 pages

Librinova, 2022

Fin de lecture le 23 février 2022

Je remercie Babelio, Librinova et Armand Cabasson de m’avoir adressé ce livre dans le cadre d’une Masse critique privilégiée. Je remercie tout particulièrement l’auteur pour son sympathique message accompagnant l’envoi.

Tireurs d’élite des Forces Spéciales françaises, Sven et Thomas ont été envoyés au Mexique pour une opération secrète contre un mystérieux narco-trafiquant. Surnommé « Le Chimiste », il a produit une drogue 2.0 qui amplifie les sensations et le manque. Il faut le neutraliser avant qu’il n’invente pire encore.

« Ne compte qu’une seule chose : la Victoire. En neutralisant ce génie de la drogue, vous sauverez des centaines de milliers de vies. »

Lorsque la mission échoue, Sven réussit à s’échapper. Porté disparu, nul ne s’attend à son retour. Traumatisé, son seul refuge réside dans le dialogue qu’il entretient avec Thomas, son meilleur ami disparu. Son retour en France est marqué par sa paranoïa : il se sent traqué, toujours en mission. Le professionnel prend le pas sur la raison, et sa peur peut l’amener à commettre l’irréparable.

En parallèle du retour de Sven en France, deux jeunes femmes, Séverine et May, s’apprêtent à partir pour un « voyage thérapeutique » avec le psychiatre Arnaud Breussant. Décidées à mettre un terme aux cauchemars récurrents qui les accablent suite à des traumatismes et après moultes recherches pour s’en débarrasser, Séverine et May comptent sur cette pratique inédite.

Ces trois personnages soumis au stress post traumatique vont se rencontrer, dans des conditions extrêmes. Hantés par leurs peurs, réelles ou engrangées par leur expérience, ils vont néanmoins devoir s’y confronter, dans une thérapie cognitive haute en rebondissements.

« Subir un traumatisme, c’est vivre un voyage au bout de l’enfer. (…) puisqu’il y a eu un voyage à l’aller, il faut un voyage pour le retour. »

Je m’attendais à la seule narration de l’après-mission de Sven, la description de la pratique thérapeutique et de la rencontre du sniper avec les jeunes femmes. J’ai donc été agréablement surprise de la grande partie « Flash-back » qui reconstitue la préparation et les circonstances de l’opération secrète menée par le commando de Sven et Thomas, et les histoires de Séverine et May. Très bien documentée sur les interventions secrètes dans un monde gangrené par la corruption mafieuse, cette mise en condition permet de mieux cerner les décisions prises par Sven à son retour en France. Fi des relations diplomatiques ou des considérations morales quand l’enjeu est mondial…

« (…) Sven est plus que jamais convaincu de la pertinence de sa mission. Il était réticent à l’idée de devenir tueur d’élite. Sa passion, c’est tirer. Mais, entre tirer et tuer, il y a un abîme… Cependant, quand on contemple de telles horreurs, on finit par se dire que, quelquefois, tuer (« neutraliser » préfère-t-on dire dans l’armée) est une option à envisager.»

J’ajoute un mot pour la photo de couverture : magnifique. Tout comme les descriptions des paysages (les arbres, l’environnement) et l’acttion des personnages, aussi bien au Mexique qu’en France, on s’y croirait.

Ce livre est donc remarquable, car il allie d’une écriture alerte une opération militaire, la plongée dans des rites antiques, et bien sûr la science du psychiatre-auteur concernant les puissantes conséquences psychiques des chocs émotionnels sur des personnages profondément attachants…

Suspense garanti pour ce très gros coup de cœur !

Ces orages-là

Sandrine Collette

280 pages

JC Lattès, 2021

Fin de lecture le 29 janvier 2022.

Elle court, Clémence. Court pour échapper à Thomas tout d’abord. Court pour survivre. Puis pour échapper à l’emprise et aux souvenirs.

Il a fallu bien du courage à Clémence pour partir de chez elle. Tiraillée entre la protection offerte par cet homme et les horreurs qu’il lui faisait subir.

« Oui, Clémence est une œuvre de souffrance. Thomas a détruit en elle chaque parcelle de gaieté, traquant la moindre étincelle, le moindre espoir. Personne ne la croit quand elle dit qu’il l’étouffe. Personne ne voit le monstre derrière l’homme charmeur qu’on lui jalouse.

Qu’on le lui prenne ! Elle le donne à qui veut. »

Elle est transparente, Clémence. C’est ainsi qu’elle se voit, qu’elle s’envisage dans les yeux des autres. Petite, chétive, aucun charisme. Thomas n’a eu qu’à la cueillir pour en faire sa chose. Elle peine désormais à se voir autrement.

« Je viens de servir de serpillière à un homme que j’ai pris pour le prince charmant pendant trois ans et j’ai l’impression que c’est entré dans mon ADN. Serpillière un jour, serpillière toujours. »

Elle a trouvé un refuge, Clémence. Une vilaine maison toute cabossée comme elle à l’intérieur. Mais avec un magnifique jardin offert à elle, dont un bassin avec cinq poissons. Enfin, quatre poissons et demi. Le dernier lui ressemble aussi, une part a été ôtée à jamais.

Le jardin et Clémence s’apprivoisent : petit à petit, la jeune boulangère explore son univers, ose se confronter à la pénombre qui tombe, prend sur elle, puis affronte la nuit, Clémence la courageuse.

Mais la solitude lui pèse. Thomas a fait le vide autour d’elle. Elle n’a plus confiance. Et doute aussi d’être intéressante pour quiconque. Même pour ses collègues de la nouvelle boulangerie. Quoi que. Flo lui montre du respect…

Mais surtout, surtout, au bout du jardin se situe un autre jardin. Avec un voisin.

Alors le jardin sert d’appât pour prendre dans ses filets Gabriel, le voisin clairvoyant, lui aussi abîmé par la vie. Une épaule sur qui se reposer quand les terreurs apparaissent, car prendre la fuite physiquement ne signifie pas pour autant en avoir fini avec le bourreau… il est là, tapis, à l’intérieur, il peut surgir à tout moment pour reconstituer son travail de sape. Et puis il peut également se manifester physiquement, malgré toutes les précautions prises par Clémence, les détours, les regards jetés par-dessus l’épaule.

Elle veut avancer dans la vie, Clémence. Bâtir des projets. Mais la peur perdure, chevillée au corps, cette peur obsessionnelle qui peut mener à la folie.

Dans chacun de ses livres, Sandrine Collette explore les ressorts de l’âme humaine et place ses héros face à des choix bien souvent impossibles. Cet ouvrage n’y échappe pas. La situation décrite d’emprise conjugale et de torture psychologique est parfaitement réaliste, les sentiments contradictoires éprouvés par Clémence également.

« Tout s’est fait à l’intérieur, et cela, on ne peut pas le montrer, on ne peut pas porter plainte, on ne peut pas le prouver devant un tribunal. Une sorte de crime parfait. Après, c’est parole contre parole. »

Partir n’arrête pas l’emprise, insinuée au plus profond de l’être qui en a été victime.

Le prodige de l’auteure, c’est d’exposer les faits, les sentiments et les situations pour amener le lecteur à tirer ses propres conclusions. Son écriture ciselée plante à merveille le décor et les acteurs, prend aux tripes par des ruptures de style, s’adapte pour transformer les instants suspendus en accélérations. Les descriptions du jardin sont magnifiques. Les comportements et réflexions des différents protagonistes, majoritairement vues par le prisme de Clémence, les efforts de celle-ci et son combat contre elle-même m’ont profondément touchée.

Un coup de cœur !

Ghost in love

Marc Levy

325 pages

Éditions Robert Laffont/Versilio,2019, Pocket, 2020

Illustrations intérieures de Pauline Lévêque

Fin de lecture 27 juin 2020

Je remercie les Éditions Pocket de m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d’une rencontre avec l’auteur, malheureusement annulée en raison des conditions sanitaires.

Thomas est un pianiste virtuose, mais peu assuré dans la vie : il a quelques bons amis, une relation amoureuse fort instable. Son point d’ancrage est sa mère Jeanne, car son père est décédé voilà cinq ans. Et en ce jour anniversaire de sa mort, Raymond s’invite dans la vie de son fils !

Si celui-ci croit au début à un rêve, voire un cauchemar, le fantôme de Raymond convainc très vite Thomas de concrétiser la mission proposée : réaliser la promesse faite il y a trente ans à une femme profondément aimée, en mêlant leurs cendres, afin qu’ils soient à jamais réunis dans l’au-delà…

Sauf que cela exige de Thomas de traverser l’océan pour aller à San Francisco, ne pas se faire repérer avec une urne sous le bras, et revenir trois jours plus tard honorer un concert à Varsovie ! Et vivre ces quelques heures avec un facétieux fantôme qu’il est le seul à voir ne s’annonce pas de tout repos pour le jeune homme…

A travers une histoire ponctuée de remarques et situations très drôles, l’auteur aborde efficacement la relation père-fils, les amours contrariées, le regard des enfants sur les relations amoureuses de leurs parents, l’impact de l’exemple des parents sur les choix de vie des enfants, et bien évidemment le travail de deuil.

J’ai souri fréquemment, voire ri franchement, et éprouvé un sentiment de bien-être durant cette lecture. Une grande tendresse s’en dégage, et malgré l’abord de sujets sérieux, à aucun moment on ne sombre dans le « pathos », grâce à un savant dosage.

Les très belles illustrations de Pauline Lévêque permettent d’ancrer d’autant plus un visuel sur les lieux ou situations décrites par l’auteur. A quand la réalisation d’un film ?

J’avais lu les tous premiers ouvrages de Marc Levy, il y a longtemps. Me plonger dans ce roman a été une très jolie parenthèse entre les polars qui constituent actuellement mon fond de lecture.

Citations

« – Si tu savais ce que j’ai vécu ce soir, tu serais le premier à rire. Tu m’as fichu une sacrée peur, mais c’était doux de te voir, Papa, même dans un rêve étrange. »

« – Chasse cette pudeur qui nous empêche d’entendre les choses qui comptent. »