Les yeux d’Iris

Magali Collet

245 pages

Taurnada Éditions, novembre 2021

Fin de lecture 4 novembre 2021.

Je remercie les éditions Taurnada pour m’avoir adressé un exemplaire numérique de ce terrible roman dans le cadre d’un service presse.

Je découvre l’écriture et l’univers de Magali Collet avec ce livre. Et une quatrième de couverture réduite au minimum :

« Un meurtre et un suicide.

Trois hommes, trois femmes.

Des retrouvailles.

Un pacte.

Tout se paye, même l’amitié. »

Je n’ai donc pas envie de dévoiler trop d’informations, ce serait dommage.

Sachez cependant que ce thriller est constitué de récits parallèles. De constructions différentes : première ou troisième personne du singulier, qui égarent et trompent quelque peu le lecteur. Il y est question de violences diverses et d’un pacte de vengeance qui soude des amis, « à la vie, à la mort ».

Au tout début du livre, Morgane, exilée en Irlande, doit rentrer en urgence en France pour une mystérieuse raison. Elle réside en Provence chez son frère Frédéric, policier. Ils vont être invités chez d’anciens amis communs.

Deux couples, un petit garçon, un frère et une sœur. Avec ces retrouvailles, la vie de chacun déjà fort complexe va encore être bouleversée. Dans une atmosphère pesante, l’indicible se dévoile peu à peu, sous le regard du lecteur impuissant.

J’ai été profondément touchée par ce thriller psychologique. Les descriptions sont choquantes, sans fard, la violence intolérable. Addictif grâce à la construction littéraire, car Magali Collet balade le lecteur entre les personnages et les époques. Les mécanismes des violences, les réactions des victimes, totalement différentes en fonction de leur personnalité, tout est décrit de façon ciselée. Lu d’une traite, il m’a mise KO. J’ai dû laisser passer quelques jours avant de plonger dans un autre ouvrage.

C’est évidemment un coup de cœur. Et je vais me mettre à la recherche du précédent livre de Magali Collet, La cave aux poupées.

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⚠️ Mini-spoil à suivre ⚠️

Dans Les yeux d’Iris ce sont des histoires terribles qui se croisent, autour de la douloureuse question : peut-on vraiment se reconstruire après un viol ?

Certes, il s’agit d’un thriller. Mais au-delà de l’intrigue très bien ficelée, il fait également réfléchir à l’attention à porter aux proches dont le comportement se modifie de façon inopinée, et à l’accompagnement sur le long terme des victimes de violences, quelles qu’elles soient.

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Et pour le pire

Noël Boudou

252 pages

Taurnada Éditions, 13 mai 2021

Fin de lecture 26 avril 2021.

Je remercie les Éditions Taurnada de m’avoir permis de découvrir le talent de Noël Boudou, dont j’avais entendu parler (notamment Benzos), mais que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire, grâce à la version numérique de Et pour le pire.

Vincent Dolt est un vieux monsieur aigri mais plein d’humour. En fait, il a toutes les raisons d’être aigri : il nourrit depuis 20 ans une vengeance contre les trois malfrats qui ont maltraité, violé et assassiné son épouse Bénédicte. Ces trois-là vont sortir de prison dans quelques jours, et Vincent se prépare à les tuer.

C’est Vincent lui-même qui raconte son histoire, les quelques jours qui le séparent de la mise à exécution de son projet. L’humour transparaît malgré tout dans les réflexions qu’il fait sur ce qui l’entoure, sur les gens, sur le quotidien.

On s’attache à l’homme meurtri au plus profond, on éprouve une tendresse pour celui qui voudrait tant rejoindre sa compagne. Anticlérical de naissance, grand amateur de bières (il faudrait compter le nombre de bouteilles bues au long de ce livre !), il joue les gros durs alors qu’il a tout simplement atteint la fin de son envie de vivre.

« Il faut bien un début à tout. Ne pas mourir idiot. Ne pas mourir innocent. Si je me suis trompé et que le dernier jour je me retrouve devant saint Pierre, je vais avoir l’air fin. Je préfère saint Patrick, au moins, chez lui, on boit des bières. »

Il semble que les projets de Vincent pourraient d’ailleurs être contrecarrés par l’arrivée de ses nouveaux voisins, un couple avec deux enfants. L’homme est une force de la nature, la femme magnifique et possède des qualités insoupçonnées, et leurs enfants apportent de la vie dans le jardin… Leurs relations débutent mal, mais Vincent se laisse peu à peu apprivoiser… sauf que le danger est là, qui rode autour de lui, et d’eux tous à présent qu’ils sont familiers !

Car si Vincent souhaite se venger, les assassins n’ont pas plus digéré leur emprisonnement et c’est une sorte de ligue qui va s’en prendre à lui.

Vincent va devoir apprendre à compter ainsi sur ses nouveaux amis : un homme, un chien, une femme et un fusil… pour le pire !

Voici un des meilleurs thrillers que j’ai lus ces derniers mois. J’ai été émue, bouleversée, horrifiée, choquée, surprise, j’ai également ri (hé oui !), et c’est incroyable à écrire tant le sujet est terrible, mais c’est un coup de cœur !

Obsession mortelle

Michael Weaver

466 pages

Pocket, 1995, Belfond, 1994

Fin de lecture 3/04/2021

Paul Garret et sa femme Emily ont tout pour être heureux : ils profitent de leurs week-ends pour retaper la maison de leurs rêves, dans la montagne paisible loin de New-York.

Mais leur bonheur prend fin lorsqu’ils accueillent un jour un randonneur qui va s’avérer être un redoutable prédateur : Meade viole et assassine Emily sous les yeux de Paul et laisse celui-ci pour mort.

Après l’hôpital, Paul n’a de cesse de retrouver l’homme qui lui a ravi sa bien-aimée. Journaliste au New-York Times, il profite de sa position pour écrire et dénoncer les arcanes du sytème judiciaire qui permettent à des malfrats de sortir de prison sans avoir effectué la peine à laquelle ils ont été condamnés.

Ce faisant, Paul met le doigt dans un engrenage : il désire retrouver Meade et venger sa femme, mais Meade est un pervers qui veut aussi le retrouver et parachever son oeuvre mortifère, en l’informant de ses futurs crimes.

« Vous n’avez pas l’air de comprendre, poursuivit Meade, que vous êtes probablement la seule personne au monde à laquelle je n’ai plus besoin de mentir. Vous avez regardé au fond de mon âme et vous y avez vu le mal absolu. Voilà pourquoi vous m’êtes si précieux. Pour la première fois de ma vie, je connais quelqu’un avec qui je n’ai pas besoin de faire semblant. »

L’obsession mortelle se joue donc dans les deux sens.

Paul va pouvoir compter sur un policier, l’inspecteur Canderro, et l’ancienne contrôleuse judiciaire de Meade, Jacqueline Wurzel, pour l’aider dans sa traque du criminel… qui semble malgré tout avoir toujours un temps d’avance !

On suit donc le tueur dans ses œuvres, on l’observe préparer méticuleusement ses crimes sans pouvoir l’arrêter, tandis que Paul et Canderro enquêtent auprès de ceux qui connaissent Meade, y compris sa mère et les compagnes qu’il a eues.

Le tueur en série paraît cependant insaisissable, et mène ses poursuivants par le bout du nez. Cela conduit à de nombreux rebondissements, dont certains auraient pu être évités cependant…

C’est haletant (un peu long parfois), et c’est très violent. Meade est un tueur «intelligent», il calcule les crimes qu’il commet, ne cède pas à l’impulsivité, met en scène ses crimes. Donc, âmes sensibles, abstenez-vous !

Dompteur d’anges

Claire Favan

438 pages

Pocket, 2018, Éditions Robert Laffont, 2017

Fin de lecture 14 avril 2021

Quand on rencontre Madame Favan, c’est madame tout-le-monde qui vous parle de son enfant, de sa vie, de la façon dont elle travaille. Elle est douce et on aime l’écouter.

Quand on lit ses livres, on se demande qui a tenu la plume ou quels sont ces doigts qui ont tapé des phrases traduisant une construction d’histoire aussi terrible !

Max est un pauvre jeune homme qui n’a jamais fait de mal à personne, mais parce qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, parce qu’il n’a pas le bon profil ni les bons appuis, il est le désigné d’office dans le viol et le meurtre d’un jeune enfant, son ami, qui le suivait comme son ombre.

Max devient donc le souffre-douleur de ses codétenus, des surveillants pénitentiaires, comme cela prévaut pour les agresseurs de ce type dans l’univers carcéral. Sauf que Max est innocent. Et que son innocence est reconnue au bout de cinq ans, lorsque le vrai coupable est démasqué.

Mais l’expérience vécue par Max a totalement transformé le gentil jeune homme. Animé d’une froide colère, il va mettre tout en œuvre pour assouvir sa vengeance : juge, avocat, jury, matons, tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par l’affaire vont subir l’enfer.

Max a concocté un plan, enlevant les enfants de ceux qui l’ont malmené, leur infligeant une éducation où les coups et les humiliations cassent leur personnalité, et en les entraînant aux pires méfaits. On suit plus particulièrement Cameron, le premier enfant enlevé, car c’est lui qui va vivre le plus auprès de Max.

« Ses journées s’écoulent quasiment toutes de la même façon entre les séances de dressage, crever la dalle, les coups, et les leçons. »

Trois enfants deviennent les réceptacles des théories fumeuses de Max, ils sont constamment dans la lutte pour le pire pour obtenir l’approbation de leur père de substitution.

« Il ne parvient pas à penser autrement qu’en avantage personnel, ni à ressentir de pitié pour celui qu’il a contribué à capturer. »

La peur, la soumission, la souffrance sont les seules composantes de leur vie, celles qu’ils subissent, celles qu’ils font aussi subir à d’autres, pour abreuver la soif de vengeance de Max. A travers les Etats-Unis, dressés pour voler, tuer, et démontrer qu’aucune justice n’existe, les « anges » de Max portent le malheur, tant à des innocents qu’à des malfrats.

« Ce soir, ils vont tuer un homme.

Il ne s’agit plus de coller une baffe à des gens terrorisés pour leur piquer du fric, de voler à l’étalage sans se faire voir, de cambrioler des maisons vides ou de pousser une femme à peine sortie du sommeil dans son escalier pour qu’elle se brise les os. »

Et l’adolescence survient, qui exacerbe les rivalités entre les jeunes gens.

Où est la conscience morale ? Où est la vraie justice ? Qui est le coupable : celui qui commet l’acte ou celui qui a concocté l’éducation d’une manière sectaire, annihilant toute autre forme de pensée ? Comment se sortir de telles situations ? Et que faire d’une telle éducation quand on devient adulte ?

C’est un livre terrible, haletant, où le talent de Claire Favan amène à s’interroger qur notre propre référentiel de valeurs. En effet, on se prend à vouloir sauver ces enfants, à ne pas les laisser perdurer bien évidemment leur périple meurtrier, mais sans pour autant qu’ils soient démasqués malgré leurs horribles méfaits.

On croit en voir fini avec l’horreur, et au détour d’une page, l’autrice nous y replonge savamment.

Un excellent thriller !