
Mattias T. Edvarsson
623 pages
Pocket, 2021, Sonatine Éditions, 2019
Fin de lecture 25 juillet 2021.
Je remercie les Éditions Pocket pour m’avoir adressé ce livre dans le cadre du jury Prix Nouvelles Voix du Polar 2021, en compétition avec Le pensionnat des innocentes d’Angela Marsons.
Le lecteur entre dans l’intimité d’un foyer suédois par ceux qui l’habitent, dans un moment tragique, le procès de l’un d’eux pour meurtre.
Le père, Adam, pasteur, très respecté, adorateur de sa fille, qui a tant d’attentes envers elle, mais devient peu à peu impuissant à la comprendre.
« Nous avions placé la barre très haut en prétendant être les meilleurs parents que nous pouvions pour notre enfant, mais nous n’avons pas été à la hauteur de nos ambitions. »
La fille, Stella, tout juste sortie de l’adolescence, n’a jamais voulu justifier ses emportements, ne souhaitant pas rentrer dans les cases prédéfinies des psychologues et de son père. Son rêve est un voyage en Asie, sa seule confidente sûre est son amie Amina.
« J’ai toujours espéré que papa comprendrais tout seul. (…) Chaque fois que papa ne comprenais pas, j’étais déçue et nous nous éloignions un peu plus l’un de l’autre. »
La mère, Ulrika, avocate, absente chronique du cercle familial, qui se décide à prendre les choses en mains pour sauver le modèle préétabli.
« Le droit a été ma religion. Il a ses lacunes, à certains égards importantes, mais j’ai cru dur comme fer au droit comme pilier et phare de la société moderne. (…) Maintenant, je ne sais plus que croire. »
Le récit choral va mettre en lumière les dysfonctionnements de cette famille considérée comme « normale » vue de l’extérieur. Au prétexte de la découverte du cadavre d’un homme aisé, se dessinent les liens filiaux, conjugaux, biaisés par les faux-semblants, les mensonges. Quand s’ouvre le procès, c’est aussi celui de la différence, de l’échec de la prise en charge d’une enfant. Mais c’est la lâcheté des uns contre l’amitié presque inconditionnelle des autres que l’on retient in fine.
Un éloge de la lenteur… les récits sont très différents entre les mains des trois protagonistes. Présent et passé se mêlent, se croisent et modifient la perception du lecteur. Parmi les narrations des parents chargées de doutes, de culpabilité, où l’amour s’exprime de façon très différente, la jeune fille est peut-être la seule à oser être elle-même. Mais l’amour des parents va se manifester d’une toute autre manière face à l’adversité, jusqu’à défier la justice et la morale. La progression permet de recadrer plus objectivement les faits que la vision tronquée ou déformée par chacun : au terme de ma lecture, j’ai eu la sensation de la description d’un même accident par les différents témoins, qui arrangeraient la vérité pour qu’elle corresponde à leurs souhaits, parfois inconsciemment.
Les émotions fluctuent, au fur et à mesure de la compréhension de ce qui se joue réellement dans cette famille. Les projections paternelles, l’absence maternelle, les impulsions de la jeune fille, tout concourt à mettre en place le drame : mais pas forcément dans le sens ou pour les raisons qu’on imagine !
J’ai bien aimé ce très bon thriller psychologique, qui explore les ressorts des actions dominées par la peur et l’amour, un peu lent dans le récit du père, ragaillardi par celui de la fille, sublimé par la mère.
Une réflexion sur « Une famille presque normale »