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Nos embellies

Scénario : Gwénola Morizur

Dessins et couleurs : Marie Duvoisin

71 pages

Bamboo Éditions, Collection Grand Angle, 2018

Fin de lecture le 11 avril 2023

Quand un voyage impromptu et quelques rencontres inopinées changent le cours de plusieurs vies.

Lily et Felix sont en couple. Il est musicien, elle est photographe. Il est tout heureux de partir préparer une tournée qu’ils pourront effectuer bientôt ensemble.

Lily cache un secret : elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Et se demande ce qu’elle va faire de cette nouvelle et de l’enfant qui s’annonce. Mais elle n’a pas l’opportunité de s’interroger tranquillement, car alors que Félix doit partir, son neveu Balthazar arrive du Canada pour passer Noël à Paris suite à la séparation de ses parents. Et Felix confie Balthazar aux bons soins de Lily.

Sauf que Noël au Canada, c’est synonyme de neige. Et Balthazar ne comprend pas qu’il n’y en ait pas à Paris ! Alors Lily décide de l’emmener dans le Massif Central. Sur une aire d’autoroute, ils croisent Jimmy, un jeune homme gentil mais qui semble marginal. Le trio poursuit ensemble le périple jusqu’à ce que la neige ait raison de la voiture !

Perdus en pleine montagne, ils arrivent chez Pierrot, berger qui les accueille au milieu de ses chèvres.

Ces quatre êtres qui n’ont a priori rien en commun vont se découvrir et réunir leurs solitudes pour finalement s’entraider…

C’est un joli roman graphique, tant par les histoires contées que par les dessins, sublimés par des couleurs douces et chaleureuses.

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Le meurtre du Docteur Vanloo

Armel Job

332 pages

Éditions Robert Laffont, 2023

Fin de lecture 27 avril 2023

Le docteur Vanloo habite en Belgique, non loin de la frontière luxembourgeoise, où il travaille. Dans le petit village de Fontenal, son arrivée a fait fureur : car le bon docteur est également un grand séducteur !

Mais voilà que le corps du chirurgien est découvert dans sa maison, par sa femme de ménage, alors que la porte était verrouillée… Le commissaire Demaret mène l’enquête, qui va le conduire à découvrir tout un pan caché de la vie de Vanloo, ainsi que de celle du village apparemment sans histoire. La Belgique rurale, avec ses fermiers, son vétérinaire, son restaurant de passage : il s’en passe derrière les portes ou simplement dans les têtes des habitants…

« C’est quand la mort est banale qu’elle fait peur aux gens. Devant le cercueil d’un défunt ordinaire, touché par un cancer tout aussi ordinaire, on ne se sent pas rassuré. A qui le tour ? A moi ? Un crime, au moins, ça donne du champ. On peut s’en amuser. Pour une fois, au lieu de nous accabler, la mort a décidé de nous distraire. Elle joue aux devinettes. »

Du village à Bruxelles, les langues se délient, les personnages sont savoureux, et le commissaire doit composer avec une substitute du procureur qui veut montrer qu’elle existe, une juge d’instruction qui veut clore l’affaire au plus tôt pour partir en congés, une épouse bafouée et des couples mal assortis… sans compter sa propre conscience !

C’était pour moi une découverte de l’écriture d’Armel Job, je me suis régalée tant de l’intrigue que de l’humour de l’auteur et ai apprécié le personnage du commissaire et sa fameuse méthode du rond-point.

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Le libraire de Cologne

Catherine Ganz-Muller

277 pages

Scrineo, 2020

Fin de lecture le 9 avril 3023

A Cologne, fin 1933, la librairie Mendel a pignon sur rue. Elle travaille avec de nombreux partenaires commerciaux, et a mis en place un système de prêt de livres.

Son propriétaire, Alexander Mendel, emploie quelques personnes fidèles.

Mais dans cet entre-deux guerres, alors que les premières lois anti-juives ont été promulguées par Hitler, le chef de famille décide de s’exiler en France pour protéger les siens.

« Le peuple a perdu tous ses repères, il ne croit plus dans les institutions, il rejette les élites. C’est pour ça qu’Hitler a été élu, il avait un discours que le peuple a cru proche de lui sans voir ce qu’il signifiait réellement. »

Alexander confie alors sa boutique à Hans Schreiber, un tout jeune homme amoureux de sa fille Lisa. D’abord en qualité d’associé puis de propriétaire, puisque les familles juives sont dépossédées de leurs biens.

Et Hans n’aura de cesse de faire survivre la librairie, face à toutes les adversités : menaces, descentes de police, maladie, deuil, bombes. Alors que les relations humaines sont empreintes de méfiance, car une dénonciation est très vite arrivée, Hans va pouvoir compter sur des soutiens très variés pour sauver ces biens si précieux à ses yeux : les livres.

Inspirée de l’histoire réelle de sa famille, Catherine Ganz-Muller dépeint l’horreur et la vaillance : un homme, seul majoritairement, dont la loyauté envers le patron qui lui a fait confiance sera sans faille, face à la cruauté des affiliés de l’idéologie nazie. Sans conteste, l’attitude d’Hans est une véritable résistance pour conserver la liberté de penser par les ouvrages, même au péril de sa vie.

Ce livre destiné à la jeunesse et primé en 2021 bénéficie d’une chronologie historique et d’un glossaire, ainsi que de précisions relatives aux personnes réelles dont certains personnages sont inspirés. Il témoigne de la dégradation de la démocratie, de l’instauration d’une autocratie qui dénie la liberté de penser et de s’instruire grâce aux livres.

Ce livre a toute sa place dans l’éducation historique et constitue un repère pour l’avenir…

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Neuf parfaits étrangers

Liane Moriarty

508 pages

Albin Michel, 2020

Fin de lecture 12 mai 2023

On m’a donné ce livre, il traînait depuis quelques temps dans ma bibliothèque. Évidemment l’auteure ne m’était pas inconnue, mais je n’avais jamais ouvert un de ses ouvrages.

Je ne regrette pas de l’avoir fait.

On a tous à un moment ou l’autre de notre vie l’impression que celle-ci nous échappe. Qu’il s’agisse de difficultés familiales, conjugales, professionnelles, ou juste un mal-être qui s’installe sans raison apparente.

Pour vous aider, des temples du bien-être ont été érigés, à grand renfort de cures dépuratives et reconstructives hors de prix, histoire de vous mettre en plus sur la paille !

En Australie, Tranquillum House est un de ces endroits où quelques privilégiés peuvent se ressourcer. Neuf personnes s’y retrouvent donc, inconnus appelés à partager une dizaine de jours de soins et de régénération sous l’égide attentive de Masha.

Mais celle-ci a décidé de tenter une expérience particulière avec ses nouveaux hôtes : la promesse du slogan publicitaire de changer leur vie sera tenue au-delà des espérances de la directrice !

Frances, auteure de romans sentimentaux, Ben et Jessica, un jeune couple, Napoleon, Heather et leur fille Zoe, Carmel, maman dépassée, Tony et enfin Lars.

Chapitre après chapitre, le lecteur découvre les célibataires, couples ou famille qui ont été attirés par ce besoin de renouveau. Ils viennent avec leurs soucis, sont remplis de préjugés envers les autres, et vont apprendre à se connaître dans des situations peu conventionnelles.

« Frances n’avait jamais adhéré à l’idée que la beauté est en chacun de nous, un lieu commun que seules les femmes avaient besoin d’entendre, car pour un homme, nul besoin d’être beau pour se sentir un homme. »

Ce livre est addictif : de courts chapitres dévoilent les pensées et enjeux de la cure de chacun des hôtes, ainsi que les curieuses méthodes des soignants… je l’ai lu quasiment d’une traite, tant les histoires individuelles et communes rendent les personnages attachants. L’humour et la critique d’une société des apparences sont omniprésents. Sans oublier bien sûr le volet « thérapie » qui dénonce cette surenchère de gourous plus ou moins diplômés qui promettent monts et merveilles…

Un régal !

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Une saison pour les ombres

A consommer avec modération, le vin, mais certainement pas le livre ! ©️ CF 27/03/23

R.J. Ellory

401 pages

Sonatine Editions, 2023

Fin de lecture 8 avril 2023

Je remercie les Éditions Sonatine pour la très sympathique rencontre avec R. J. Ellory et l’auteur pour s’être prêté à la traditionnelle séance de dédicaces. Rencontré lors de précédents salons, l’homme est aussi affable que l’écrivain est tortueux !

Jack Devereaux doit rentrer dans la ville de son enfance pour retrouver son jeune frère qui a été placé en prison suite à une altercation. Durant le très très long trajet entre Montréal et Jasperville, Jack passe en revue l’histoire familiale et du village reclus, ponctuée par les dramatiques disparitions puis décès de plusieurs jeunes filles.

Il s’agit donc à la fois de la chronique d’une époque où la très puissante entreprise d’excavation et d’exploitation minière s’arrangeait pour faire disparaître les preuves des décès suite aux éboulements, afin de conserver ses financements, et la narration de la vie de la famille Devereaux au sein du village isolé.

« Despairville. La ville du désespoir. Rien de plus vrai, rien de plus pertinent que ce surnom. »

J’ai parcouru la jeunesse terrible de Jacques Devereaux dans cette ville au fin fond de nulle part, immergée dans la glace, la neige et l’immobilité. J’ai été touchée par le petit garçon, puis l’adolescent et enfin l’homme mûr qui revient bien malgré lui sur les traces de son passé. Seul un événement impérieux peut le contraindre à revivre dans la maison maudite, à s’imprégner de l’atmosphère pour enfin faire éclater la vérité.

« La conscience est un pays intérieur. On a beau changer de décor, il y a toujours quelque chose qui vient vous rappeler ce que vous avez fait de pire dans votre vie. »

R. J. Ellory crée des personnages entiers, avec leurs failles et leur culpabilité, mais également avec une certaine volonté de revanche sur la vie : ce qui a contraint Jack à partir est finalement ce qui le fait revenir, la violence manifeste qui s’exprime. L’auteur sait également les placer au sein de leur environnement. La ville devient un personnage à part entière, une entité dont il est impossible de s’affranchir, qui vous encercle et vous happe.

« Dans une ville, même la plus petite, même la plus perdue, il y a toujours de la lumière. Mais pas à Jasperville. Là, il n’y avait rien. La nuit enveloppait tout, si bien qu’inexorablement, elle donnait l’impression de pénétrer l’âme de ses habitants. »

Un très très bel ouvrage.

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Championnes

Mathilde Tournier

172 pages

Gallimard jeunesse, Scripto 2022

Fin de lecture le 3 avril 2023

Les filles et le sport. Surtout le football. A l’heure du collège, et malgré l’arrivée du vingt-et-unième siècle, les préjugés sont toujours tenaces.

A quatorze ans, l’adolescence n’est pas un long fleuve tranquille. Pénélope la narratrice subit un harcèlement de la part de ses camarades parce qu’elle est douée dans son sport, qu’elle n’est pas « féminine » et que son visage est grêlé d’acné. Elle n’ose pas en parler, mais Leïla, une de ses coéquipières avec qui elle n’a pas a priori d’affinités, va la soutenir.

Sont ainsi explorés durant une année scolaire les difficultés rencontrées par plusieurs jeunes filles, les secrets que l’on cache, l’amitié, les discordes, l’entraide, l’impact terrible des réseaux sociaux utilisés à mauvais escient… Mais c’est surtout ce formidable élan donné par l’enjeu de réussir dans un championnat avec ses coéquipières et, pourquoi pas, de se faire remarquer par un sélectionneur, qui donne une saveur particulière à ce livre.

« J’espère que samedi, sur le terrain, on redeviendra une équipe. Sinon, on peut dire adieu à notre rêve de remporter le championnat. Ce rêve auquel je m’accroche pour ne pas faire de ma vie une défaite. »

Écrit pour les jeunes, il en émane une grande fraîcheur malgré les sujets profonds abordés au travers de ces personnages On s’attache très facilement à ces jeunes, adultes en devenir, qui se battent pour leurs rêves.

J’ai beaucoup aimé.

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Misogynie

Claire Keegan

45 pages

Sabine Wespieser Éditions, 2022

Fin de lecture 4 avril 2023

J’ai attrapé cette nouvelle par hasard sur le présentoir de la médiathèque. Bien m’en a pris.

Claire Keegan y met en scène Cathal, un homme, durant une journée somme toute ordinaire, un 29 juillet à Dublin. Il accomplit les gestes d’un travail routinier, rentre chez lui en bus, évoque en son for intérieur des instants de la dernière année écoulée avec Sabine, une jeune femme franco-anglaise. Et dans sa maison immobile et silencieuse, avec la chatte Mathilde pour seule compagnie, Cathal visionne un reportage commémoratif du mariage de Lady Diana, et du reste de sa vie.

Comment si peu de pages peuvent-elles en dire si long ? Et si subtilement ? L’auteure irlandaise manie la palette de tous les sens pour distiller petit à petit le doute dans l’esprit du lecteur. Un parfum humé dans le bus, le regard d’une femme de ménage, le goût fade d’un plat de régime, le bavardage d’une voyageuse, tout peut être envisagé de plusieurs façons. Sauf pour un esprit petit, obtus, radin… et misogyne !

« – Tu sais ce qui est au coeur de la misogynie ? Dans le fond ?
(…)
⁃ Ça consiste simplement à ne pas donner (…). »

J’ai beaucoup aimé cette nouvelle, tant sur le fond que sur la forme. Cathal dont on ne sait rien initialement se dévoile peu à peu, par touches posées deci-delà sur la toile. Ombre et lumière alternent entre lui et Sabine, opposant l’un à l’autre. Cathal a conscience de ce qui s’est joué, de ses faux pas. Mais juste un très court instant… après tout, il a bénéficié d’un exemple… ce n’est donc pas de sa faute !

Ce n’est que mon avis : je suis bien contente que ce 29 juillet se soit déroulé ainsi…

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Azincourt par temps de pluie

Une couverture à l’image du contenu de l’ouvrage ! ©️ CF 19 mars 2023

Jean Teulé

205 pages

Mialet-Barreau, 2022

Fin de lecture 18 mars 2023

Il y a bien longtemps que je voulais me plonger dans un nouvel ouvrage de l’auteur à la plume si particulière. A la faveur de mon club de lecture sur le roman/polar historique, j’ai vu ce titre exposé et hop, le voilà lu !

La bataille d’Azincourt m’avait échappée. Si je suis férue des événements ultérieurs au seize siècle, j’avoue mon manque d’intérêt et donc mon ignorance sur la majorité de ceux qui concernent les années précédentes, même si quelques bribes me reviennent de temps à autre.

Vive donc la lecture, qui permet d’entrer directement sur le champ de bataille par un biais différent.

Azincourt se situe dans ce qui est dénommé aujourd’hui Baie de Somme, plus précisément dans l’Artois. Les Anglais venus de Rouen ne songent qu’à échapper à leurs poursuivants français et à regagner via Calais leur « home sweet home » après des défaites ayant entraîné de grosses pertes humaines.

Mais les Français se refusent à les laisser quitter le territoire : il faut les exterminer. Et Azincourt est tout à fait indiqué : les habitants ont fui, les Anglais sont encerclés. Soucieuse de plaire à son roi et surtout désireuse d’obtenir l’exonération d’impôts promise par le souverain, toute l’aristocratie française se presse vers le lieu et festoie largement en prévision de cette bataille dont l’issue est totalement certaine.

« L’ensemble des seigneurs [m’a] amené près de trois mille [albalétriers]. C’est plus qu’il n’en faut. L’affaire sera vite réglée avec eux en première ligne. »

Même lorsque l’émissaire du roi Henri V d’Angleterre propose la paix, les princes la refusent :

« Toute l’Europe se gausserait de l’immense prestigieuse armée française qui viendrait faire grand bruit au bord d’un champ de bataille puis fuirait. Maintenant qu’on est là… Et quand même, armés jusqu’aux dents, nous sommes cinq fois plus nombreux qu’eux alors ça va aller… »

La seule qui s’interroge sur le bien-fondé de cette bataille et sur les conditions de préservation du matériel d’assaut est une femme, Fleur-de-Lys, prostituée qui accompagne les Français sur tous les lieux de guerre. L’avenir lui donnera entièrement raison…

Car prise en tenaille entre deux forêts, massée en bas de la colline ravinée par l’eau, l’armée française va se faire laminer par son adversaire.

D’une bataille de trois jours de David contre Goliath, Jean Teulé peint une fresque épique. Il montre, détails et dessins à l’appui, comment la bêtise des aristocrates français attachés à leur charte guerrière dépassée, leur manque d’anticipation et leur sotte présomption les ont mené à perdre la partie. A contrario, les Anglais galvanisés par leur roi Henri V, rendus hargneux par la peur de mourir, l’alcool et le manque de nourriture, se sont transcendés.

C’est évidemment très violent, et bien souvent cru, mais aussi très intéressant sur le plan tactique. Les descriptions précises dépeignent la scène comme si on y était, les pieds dans la boue et la pluie sur le reste. Avec sa verve et son humour noir, l’auteur place quelques mots de vieux françois et anglois, et quelques critiques bien senties de la seule femme à l’encontre de la gente masculine.

Je me suis régalée !

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La voix secrète

Michaël Mention

233 pages

Éditions 10/18, 2017

Fin de lecture 16 mars 2023

Du nom de Pierre-François Lacenaire, il ne me restait qu’un vague souvenir. Après recherches sur la toile, j’ai retrouvé sa trace dans le film Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné, que j’avais visionné il y a bien longtemps. Poursuivant mon enquête, j’ai vu que la fiche Wikipedia de Lacenaire indique pour ses activités « poète, tueur en série, écrivain, duelliste ». Diantre ! conseillée par ma bibliothécaire experte en polars, je n’avais pas imaginé rencontrer l’hydre dans le roman de Michaël Mention.

Je me suis donc transportée dans le siècle de Louis-Philippe, homme d’argent, mais surtout à son propre profit, tant la misère règne avec lui à Paris.

Fin 1835, Pierre Allard, chef de la sûreté parisienne, enquête sur des crimes d’enfants : tête coupée, déposée à un endroit bien visible, corps retrouvé quelques jours plus tard. Alors que Lacenaire est déjà emprisonné pour multiples meurtres et escroqueries (véridiques), il est suspecté pour ces assassinats en raison de leur mode opératoire, qui ressemble à ceux qu’il a commis. Sauf que Lacenaire ne s’en est jamais pris à des enfants.

Allard, qui a développé des liens d’amitié avec lui, va solliciter son concours pour résoudre l’affaire.

Ce court roman a le mérite de proposer tout à la fois une enquête policière dans un contexte historique de soulèvement de certains républicains contre la monarchie et de retracer les derniers moments de la vie de Lacenaire, inspirés de ses Mémoires écrits en prison.

On y découvre un homme complexe, érudit et imbu de lui-même, qui passe en revue les raisons de ses crimes : défavorisé par son père au profit d’un de ses frères, il a connu une vie mouvementée, fréquenté les pensionnats religieux qui l’ont entraîné vers l’athéisme. Et surtout, Lacenaire fustige les droits d’une haute société qui détient la richesse et vit confortablement tandis que le peuple, y compris les plus jeunes enfants, trime sans relâche pour quelques sous. Il attend donc son exécution avec impatience, tant il se sent mal à l’aise dans son siècle.

Cet aspect de victimisation de Lacenaire parviendrait presque à faire oublier qu’il a conclu qu’escroquer et dépouiller autrui lui a semblé plus opportun que travailler pour subvenir à ses besoins, qu’il profite de certains avantages dans sa cellule et que tuer sans vergogne ceux qui se placent en travers de ses envies est devenu une seconde nature…

Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire les descriptions des corps décapités, des rues de Paris, de la morgue ou des Halles ! L’hygiène est absente, la puanteur est de mise. On visualise parfaitement les scènes de foule, et particulièrement celles où elle se presse, à la queue-leu-leu, pour aller identifier les corps exposés des jeunes enfants : c’est proprement sordide.

Michael Mention conjugue de manière intelligente le temps, les lieux, le contexte historique vérifié et le scénario policier qu’il invente. J’ai beaucoup apprécié et aurai plaisir à le laisser me téléporter dans d’autres époques.

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Du plomb dans la tête

Olivier Bocquet

405 pages

Pocket, 2022, Michel Lafon, 2020

Fin de lecture le 5 mars 2023

Je remercie les Éditions Pocket pour m’avoir permis de découvrir ce livre, et son auteur pour sa sympathique dédicace.

Le lvre débute par deux descriptions terribles. Deux narrateurs exposent ce qui leur arrive, l’un en pensée, l’autre dans un journal intime. Ils ne se connaissent pas. Ils vont néanmoins se croiser rapidement.

Lui, Thomas, devient aveugle parce qu’on lui a fondu du plomb dans les yeux. Sa vie entière va changer. D’autonome, il va devoir réapprendre les gestes du quotidien tout en s’inquiétant de trouver celui qui l’a estropié.

Elle, Rachel, est lieutenante stagiaire au commissariat de Fontainebleau. Sous la houlette du très maladroit, indécis et formaliste lieutenant Toulouze, la jeune femme pragmatique va enquêter sur l’affaire.

« Toulouze se sent con. (…) Lui qui est toujours tellement soucieux de la procédure, pour une fois qu’il en dévie, il commet une bourde. (…) Il a toujours été nul en idées nouvelles. »

Ce duo mal assorti et peu convaincant initialement va néanmoins se surpasser pour élucider cette sordide affaire.

Il serait délicat d’en dire plus. Cela risquerait de gâcher le suspense.

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage. L’histoire est bien ficelée, dense, entre passé et présent, narration, récit, articles de journaux et procès-verbaux d’audition. L’humour vient heureusement contrebalancer certains aspects un peu trash. Sous-jacente, une interrogation sur notre société hyper connectée et surveillée (pardon, protégée !), où les enjeux électoraux pourraient primer sur le réel bien-être des habitants. Le duo d’enquêteurs est attendrissant et fonctionne bien mieux que leurs collègues et leur hiérarchie ne le pensent : la fonceuse Rachel et le stressé Toulouze se complètent parfaitement.

Et j’espère les retrouver dans un prochain opus !

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Néreides

Christophe Royer

278 pages

Taurnada Éditions, mars 2023

Fin de lecture 2 mars 2023

Je remercie les Editions Taurnada de m’avoir adressé cet ouvrage en format numérique dans le cadre d’un service presse. Mention spéciale pour la couverture, magnifique !

Dans ce nouvel opus des aventures de la Commandante Nathalie Lesage, on se déporte de Lyon vers Albi. En effet, Nathalie est appelée par son ancien amant Samir, sans nouvelles de sa jeune soeur Louane, étudiante dans cette ville.

Les deux amis mènent une enquête officieuse qui leur permet de détecter que d’autres jeunes gens ont disparu, de façon régulière depuis plusieurs années, sans intervention majeure de la police.

Parallèlement, on suit le calvaire de deux jeunes filles, Alexandra et Laetitia, détenues, droguées.

Les recherches de Nathalie et Samir se portent rapidement sur une mystérieuse école de magie au cœur d’Albi. La ténacité de l’enquêtrice est mise à rude épreuve, car elle n’a aucun droit d’intervenir hors de sa juridiction.

Comme dans ses précédents ouvrages, Christophe Royer s’inspire de croyances marginales horrifiantes pour mettre en scène son personnage et l’histoire policière. Il n’y a aucun temps mort, le livre démarre sur les chapeaux de roues. Et, pour une fois, la très secrète Nathalie se dévoile un peu, au hasard d’une rencontre avec une fantastique vieille dame qui lui fait -enfin – tomber sa garde. C’est émouvant de lire les sentiments contradictoires de la jeune femme face à l’aïeule. L’humour est également présent grâce à Cyrille, le fidèle lieutenant de Nathalie.

J’ai passé un bon moment grâce à ce livre, ai pris connaissance de techniques peu banales, et il m’a donné envie d’aller découvrir le pays albigeois !

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La dernière maison avant les bois

Catriona Ward

412 pages

Sonatine Editions, février 2023

Fin de lecture 15 février 2023

Je remercie les Éditions Sonatine pour m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d’un service presse.

Il s’agit du premier thriller de Catriona Ward traduit en français.

Bienvenue dans l’impasse de Needless Street.

Cette maison, la dernière avant les bois, c’est celle de Ted, de sa chatte Olivia et de sa fille Lauren.

Un lieu isolé, décati, à l’image de l’homme qui vit reclus sur lui-même, sans ami. Parce qu’il n’est pas tout à fait comme les autres, avec son physique ingrat. Parce qu’il a aussi, un temps, été suspecté du meurtre d’une petite fille et qu’il a désormais peur qu’on revienne inspecter sa maison ou que le criminel s’en prenne à lui.

« Quand je pense au Meurtrier, furetant autour de ma maison, dans le noir, installant des pièges dans mon jardin–peut-être même s’approchant pour nous épier de ses petits yeux d’insecte, Lauren, Olivia et moi–, mon cœur se met à palpiter. »

Et parce qu’il observe des rituels déroutants pour le commun des mortels.

Tour à tour, chapitre après chapitre, Ted et Olivia exposent leur vision de cette vie routinière, sans charme et émaillée d’une violence consécutive à l’alcool absorbé par Ted.

Cette existence va être cependant marquée par l’arrivée, en face de la fameuse dernière maison, d’une nouvelle propriétaire, Dee, venue chercher la vérité sur la disparition de sa sœur et des travaux dans la forêt qui vont totalement changer le cours des événements.

Les chapitres qui concernent Dee sont exposés par le narrateur.

« Dee pénètre alors dans un monde de cauchemars ; derrière les panneaux de bois qui obstruent toutes les fenêtres se cache une caverne ténébreuse, où quelques rayons de lumière épars viennent se poser sur des concrétions étranges constituées d’objets brisés – Dee remarque que ces rayons proviennent de trous percés dans les planches. »

Voici un livre déroutant, perturbant. En dévoiler plus reviendrait à en donner toutes les clés. J’avais envisagé une partie de l’histoire mais j’ai eu une surprise totale sur un aspect en particulier. La construction du livre, l’alternance des chapitres dont le narrateur change, les allers-retours entre passé et présent contribuent à le rendre dense. L’autrice se place de points de vue différents pour rapporter les mêmes événements, et j’ai adoré les descriptions d’Olivia le chat, probablement issues d’une longue observation de l’attitude des félins.

J’ai alterné la lecture de ce livre avec un autre ouvrage pour échapper à la sensation d’oppression qu’il m’a procurée, l’ai refermé avec une grosse boule au ventre et dans la gorge, et l’impossibilité d’en ouvrir un autre immédiatement. C’est dire combien il m’a touchée.

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La boîte noire

Dessins : Jacques Ferrandez

Scénario : Tonino Benacquista

64 pages

Gallimard, Collection Futuropolis, 2000

Fin de lecture 11 février 2023

Un roman graphique qui porte le nom de Tonino Benacquista attire forcément mon regard. J’aime ses romans noirs et son humour particulier.

Au début de cet ouvrage réalisé avec Ferrandez, Laurent Aubier est victime d’un terrible accident de voiture. Il reste une dizaine d’heures dans le coma, et sa logorrhée, restituée dans un carnet par une infirmière attentive, constitue le ferment de la fameuse boîte noire de sa vie. Des mots, des phrases, des lieux et des événements auxquels on ne prête garde, mais qui s’impriment irrémédiablement dans notre cerveau si réceptif.

« -Janine, vous êtes en train de me dire que vous… Vous avez violé mon intimité mentale ?! …

-Laurent, je fais une psychanalyse depuis 14 ans, et en 14 ans, je n’ai pas dit la moitié de ce que vous avez fait sortir en une seule nuit…

(…) Tous vos mystères et vos oublis, tout votre amour et toute votre haine, tous vos messages restés sans écoute, toutes vos craintes, et vos fantasmes sont consignés là-dedans… Faites-en bon usage…»

Alors Laurent n’aura de cesse de retrouver de vrais souvenirs à partir des bribes implantées dans son inconscient. Jusqu’à tomber au plus bas, ingurgiter des produits illicites et perdre goût pour l’avenir, au profit du passé.

Les dessins sont explicites : à plusieurs reprises, des planches sombres occupent toute une page pour retracer les cauchemars horrifiques qui envahissent le sommeil de Laurent. C’est une véritable quête qu’engage le jeune homme pour enfin découvrir la vérité, tracée sur des planches un peu plus claires et heureuses.

J’ai aimé tant le scénario que sa traduction en images. L’obsession de Laurent Aubier et sa descente en enfer sont particulièrement bien décrites. Et le petit plus de l’ouvrage concerne la leçon qu’on peut en tirer : si nous ne savons pas, faisons confiance à notre inconscient, car lui, il sait !

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Pourquoi ce blog

Il s’agit de l’extrait de l’article.

Depuis que j’ai su lire… j’ai lu, que dis-je, j’ai dévoré! Jamais sans un livre en cours, de quelque catégorie qu’il soit, et je suis très éclectique en la matière. J’ai bien sûr commencé par Oui-Oui, Le Club des 5 et Le clan des 7 et lu à peu près tout ce que la bibliothèque rose proposait avant de passer à la bibliothèque verte – Alice a accompagné quelques années de ma vie avec Michel et bien sûr les Soeurs Parker, entre autres. Peu portée sur les classiques « obligatoires » prônés par l’éducation nationale, j’ai plongé dans la bibliothèque familiale très fournie et me suis délectée des Cesbron, Stevenson, De Foe, Dumas (père et fils), Verne, contes de Perrault et Andersen, …, tandis que l’abonnement à un célèbre distributeur me permettait d’accéder à des ouvrages plus contemporains, notamment des biographies.

Et déjà lire la nuit… pas en raison d’insomnies récurrentes, non non, mais parce que je voulais à tout prix connaître le dénouement! Je me souviens d’une nuit blanche en fin d’année de 3ème pour avoir voulu finir « Les derniers jours de Pompéi ».

Et d’avoir réitéré à la lecture des aventures de Rouletabille, dont les passages du « Château noir » sont encore dans ma mémoire, terrifiée au moindre bruit de la maison endormie!

Adulte, j’ai eu la chance d’avoir un accès illimité à une bibliothèque d’entreprise dont les livres étaient certes un peu vieillots mais dont les rayons largement fournis ont fait mon bonheur, avant qu’une bibliothécaire dépoussière l’ensemble et me permette d’accéder aux Werber, Jacq, Gallo, … C’était l’époque où je lisais sans discontinuer de la porte du foyer à celle du bureau en passant par le bus, le train et la rue, en pestant contre la pluie qui m’empêchait d’accéder à la suite de l’ouvrage en cours!!!

Et puis, cette énorme bibliothèque dans le château de ma commune, où j’accompagnais mes enfants côté « jeunesse », les laissant quelques minutes choisir leur propre lecture (la série « Monsieur » ou « Madame » a fait notre joie à toutes les trois pendant un certain temps) et m’éclipsais le temps de passer du côté des adultes emprunter les tout derniers livres parus! Policier (Cornwell, Japp, George), science-fiction, espionnage (Cussler, Easterman), romance (Steel), biographie (Lapierre), historique (Follet), … tout faisait ventre!

Et les insomnies sont arrivées, me permettant de grapiller encore du temps de lecture. J’ai alors investi (j’aurais sans doute dû prendre quelques actions dans la société!) dans l’achat de livres mis à disposition par un dépôt-vente et commencé mon fond de lecture. Et pratiqué (toujours d’ailleurs!) le prêt avec mes chères amies, chacune enrichissant l’autre de ses découvertes.

Et depuis une dizaine d’années, je fréquente (très) activement la médiathèque de ma ville où j’ai découvert très récemment (2016), le Club des lecteurs mensuel. Enfin l’occasion de partager, dans un cadre adapté, avec d’autres passionnés, de découvrir d’autres auteurs, d’élargir mon horizon littéraire!!!

Et cette envie de partager, j’en avais bien l’idée autrement, mais pas encore prête peut-être à me lancer… alors merci à ma Marraine Eli Zabeth, dite Zabouille, de m’avoir donné le petit coup de pouce!

Bonne découverte et surtout… bonne lecture!

PS : les chroniques de ce blog ne reflètent que mon seul et humble avis de lectrice, à un instant T de leur rédaction, et ne saurait refléter l’avis de tous… les goûts et les couleurs… 😉