La Faussaire

Patricia Delahaie

366 pages

Belfond, 2022

Fin de lecture 6 juillet 2022.

J’avais vu cet ouvrage sur un présentoir au Festival du livre Paris, mais Patricia Delahaie était en pause. Je la remercie sincèrement pour sa gentille dédicace et l’éditeur Belfond (merci V. Maréchal) pour me l’avoir adressé quelques temps après.

Paul est médecin. Un physique insignifiant. Marié, deux enfants. Une vie sage et tranquille, dévouée. Une vie qui lui semble un peu morne quand il voit Camille.

Car Camille est lumineuse. Mariée, une fille, Céleste.

Elle va prendre Paul dans ses filets, insidieusement, et ne plus jamais le lâcher.

La Faussaire, c’est donc un fait divers (la base est réelle) qu’on pourrait lire dans un encart de journal. Mais c’est surtout l’histoire d’une machination pensée, voulue, d’une manipulation extrême qui conduit irrémédiablement au meurtre.

J’ai aimé lire cet ouvrage car pour une fois c’est une femme la coupable manipulatrice. Certes, l’homme s’est montré faible, mais Camille est surtout une menteuse patentée, déterminée à arriver à ses fins en menant son amant par le bout du nez.

Le lecteur sait dès le début qu’il y a mort d’homme, qui est la victime, et devine le potentiel coupable. L’objet du livre n’est donc pas de chercher le coupable, mais plutôt de déterminer les degrés de culpabilité, comme le montrera le procès des amants terribles. Et tout ce qui est relaté avant concourt à donner une physionomie particulière de la jeune femme : son intelligence diabolique, sa recherche du « pigeon », son impression d’impunité totale, qui la conduiront à sa perte.

Le récit est lent, la mise en place aussi. C’est cependant nécessaire pour comprendre la manière dont cette virtuose du mensonge s’invente et s’invite dans la vie de la proie qu’elle a choisie. Dès lors celle-ci ne peut plus résister, entourée d’une attention flatteuse, incapable de résister à cette fascination malgré quelques alertes de son intuition, voire de ses proches. Mais le filet est bien serré.

Les mécanismes des violences psychologiques sont à l’œuvre : séduction (voire fascination), isolement, dévalorisation, inversion de la culpabilité, éloignement, … lune de miel, … et rebelote !

Vous connaissez l’adage « C’est trop beau pour être vrai ». Quand ce qui vous arrive semble « trop », ne correspond pas à vos attentes réelles ou à vos propres besoins, et si ceux-ci sont bafoués, alors, FUYEZ !

La femme de Paul le résume si bien :

« En fait, la différence entre toi et moi, mon pauvre Paul, c’est le bon sens. Si je m’étais fait draguer par Brad Pitt, j’aurais trouvé ça suspect. (…) Mais toi, non. Marilyn te vampe et ça ne t’étonne pas ! »

C’est ce que Paul n’a pas su faire. A sa grande honte, en bafouant toutes les valeurs qui étaient les siennes.

Alors c’est sa vie en prison qu’il se raconte, une vie nouvelle, mais toujours au service des autres, comme avant. Enfin…

On voudrait le secouer Paulc lui dire qu’il se fourvoie, lui jeter un regard noir quand il répond au téléphone, lui faire un croc-en-jambe lorsqu’il décide de passer la porte. Mais non, le lecteur-spectateur ne peut que constater qu’il va à sa perte de façon irréversible…

Bien écrit, bien construit, ce premier roman déclenche des émotions contradictoires. Instructif sur la façon de se conduire des vampires des sentiments, il n’y a pas de temps mort. J’ai aimé la façon dont l’auteure a développé la personnalité des protagonistes, sans concession ni pour l’un ni pour l’autre : aucune empathie de la part de Camille, bien incapable d’en éprouver, assumation de ses responsabilités par le bon docteur.

Un premier roman très intéressant et bien agréable à lire.